Jean Clouet et son fils François occupèrent successivement la charge de peintre du roi François Ier. Le surnom de Janet que portaient indistinctement les deux artistes créa la confusion et leurs œuvres furent longtemps attribuées à un seul et unique peintre dont l’identité demeura longtemps floue. Grâce aux sources, Léon de Laborde fut le premier à identifier les différents membres de la famille (La Renaissance des arts à la cour de France, 1850). Bien que les éléments biographiques demeurent lacunaires, les Clouet, qui donnèrent ses lettres de noblesse à l’art du portrait, apparaissent comme des artistes majeurs de la Renaissance française.
Un peintre étranger installé à Tours
Jean Clouet, de son vrai nom Jehannet [Zvereva, 2016, p. 148], naquit probablement en Flandre entre 1485 et 1490. Il ne reçut jamais de lettres de naturalisation [Mellen, p. 971, p. 12] comme en témoigne un acte de donation en faveur de son fils daté de novembre 1541. Il était sans doute le fils de Michel Clauwet, un peintre bruxellois actif à Valenciennes entre 1492 et 1499 [Zvereva, 2002, p. 22] et le frère de Polet, un peintre entré au service de Marguerite de Navarre, la sœur de François Ier [Zvereva, 2002, p. 2002]. La date de l’arrivée de Jean en France reste inconnue ; on sait néanmoins, d’après les comptes royaux, qu’il toucha une rémunération annuelle à partir de 1516. L’année suivante, il était déjà installé à Tours où il se vit confier, avec les peintres Jehan Leschallier, Eloy Tassart et Bernard Dupatiz, la décoration de bannières de procession [Zvereva, 2016, p. 151]. Il était alors qualifié de « maistre painctre du Roy », titre qu’il conserva jusqu’à sa mort. Il résida à Tours jusqu’en 1525 et il s’établit ensuite à Paris, vers 1529-1530 [Zvereva, 2002, p. 22]. Dans la cité ligérienne, il entretenait des liens avec le milieu des orfèvres et des armuriers : sa femme Jehanne Boucault, était la fille du maître orfèvre Gatien Boucault qui avait lui-même épousé Martine Fichepain, issue d’une puissante famille de marchands armuriers et d’orfèvres tourangeaux. C’est d’ailleurs auprès de Pierre Fichepain que Jean Clouet s’engagea, en paiement d’une dette, à peindre un saint Jérôme dans l’église Saint-Pierre-du-Boile en 1522. Hans Berger, le parrain de Gatienne, la dernière fille de Clouet, était le maître armurier du roi à Tours [Giraudet, 1885, p. 23].
Jean Clouet était le propriétaire de plusieurs maisons à Tours : une située dans la paroisse Saint-Pierre-du-Boile, dans l’actuelle rue Colbert, qu’il mit en location en 1523, et une autre dans la rue de Coherie, aujourd’hui rue de la Paix, dans la paroisse Saint-Pierre-le-Puellier [Zvereva,, 2016, p. 155]. Cette dernière maison resta en possession de la famille Clouet jusqu’en 1546, date à laquelle Jehanne Boucault la vendit à un charpentier de la ville. Bien qu’installé à Paris à la fin de sa carrière, le peintre gardait des liens solides avec la cité tourangelle puisque sa fille Gatienne fut baptisée en 1538 à Saint-Pierre-des-Corps [Zvereva, 2002, p. 22].
Le fils de Jean Clouet, François, né vers 1520, fut « painctre et varlet de chambre ordinaire ». L’artiste, à qui Ronsard consacra un poème en 1554 [Scailliérez, 1996, p. 35], excellait, à l’instar de son père, dans l’art du portrait.
Jean Clouet et l’art du portrait
Portraitiste talentueux, Jean Clouet fut sollicité à plusieurs reprises par François Ier pour réaliser des portraits peints ou dessinés des membres de sa famille, de ses proches et des gens de la cour. Catherine de Médicis (1519-1589), l’épouse de Henri II, appréciait également le travail de l’artiste, si bien qu’à la mort de ce dernier elle acheta l’ensemble de ses dessins [Zvereva, 2002, p. 8].
Jean et son fils François occupent une place importante dans l’histoire du portrait en France. Jusqu’au début du XVIe siècle, les portraits indépendants étaient rares et restaient réservés aux rois ou aux princes de sang. Toutefois, il était fréquent de trouver dans les manuscrits, les vitraux ou les tableaux d’autel l’effigie d’un donateur en prière accompagné de son saint patron devant une image de dévotion telle qu’une Vierge à l’Enfant ou une Déploration sur le corps du Christ. C’est d’ailleurs dans ce domaine que s’illustra l’un des plus importants peintres de la seconde moitié du XVe siècle, le Tourangeau Jean Fouquet dans le Diptyque de Melun ou dans les Heures Chevalier. Cependant, par leur style, les œuvres de Jean Clouet se rapprochent plutôt de celles de Jean Perréal, peintre de Charles VIII, Louis XII et François Ier [Mellen, p. 971, p. 15] et artiste polyvalent qui excellait dans l’art du portrait. Assez répétitifs dans leur conception, les dessins de Clouet instaurèrent un prototype, un style de portrait à la française, qui perdura tout au long du XVIe siècle : le modèle, qui arbore une expression calme et lointaine, est figuré en buste, de trois quarts, devant un fond neutre. Ce prototype se perpétua chez son fils François, et chez les artistes de la génération suivante, comme les frères Étienne et Pierre Dumonstier ou François Quesnel.
Jean Clouet tire sa renommée de ses dessins à la pierre noire et à la sanguine, une technique qui n’était pas inconnue à son époque mais à laquelle il donna une ampleur alors inédite. Il peignait également à l’huile sur des panneaux de bois. Seules quelques rares œuvres ont subsisté jusqu’à nous et leur attribution a longtemps fait débat. Toutefois, la paternité de certaines d’entre elles a pu être établie grâce à des dessins préparatoires [Mellen, p. 971, p. 41]. C’est le cas du grand Portrait de François Ier du Louvre qui dérive d’un dessin de Chantilly. Le tableau se distingue par ses dimensions importantes – pratiquement un mètre de haut – alors que les autres tableaux de Clouet ne dépassaient généralement pas quarante centimètres, à l’image de l’élégant et énigmatique Homme au Pétrarque (Hampton Court, Royal Collection).
Bibliographie
Mellen Peter, Jean Clouet, Paris, Flammarion, 1971.
Scailliérez Cécile, François Ier par Clouet, catalogue de l’exposition du musée du Louvre du 23 mai au 26 août 1996, Paris, Éditions de la RMN, 1996.
Zvereva Alexandra, Les Clouet de Catherine de Médicis, catalogue de l’exposition du musée de Condé de Chantilly du 25 septembre 2002 au 6 janvier 2003, Paris, Somogy, 2002.
Zvereva Alexandra, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Paris, Arthena, 2011.
Zvereva Alexandra, « Jehannet Clouet : étranger, peintre, officier royal, notable de Tours », dans Art et société à Tours au début de la Renaissance, acte du colloque du CESR du 10 au 12 mai 2012, Marion Boudon-Machuel, Pascale Charron (dir.), Turnhout, Brepols, 2016, p. 147-159.